Des bijoux et des hommes
Il est des peuples chez qui la culture du bijou est profondément ancrée, se perpétuant de génération en génération. Signe de richesse physique et spirituelle, symbole de créativité, le bijou est souvent un marqueur social, étalon de beauté au quotidien ou lors des événements de la vie (noces, naissances…), mais également objet de culte utilisé par exemple pour des incantations. Le bijou, qu’il soit bague, médaillon, collier ou bracelet se voit parfois investi d’un rôle protecteur, par sa valeur pécuniaire (protection contre les aléas de la vie, c’est le principe de la dote) mais aussi par les pouvoirs surnaturels qu’on veut bien lui conférer, il est alors amulette.
Qui sont les Karens ?
Les Karen ou Karènes, groupe ethnique largement répartis dans le sud-est asiatique, majoritairement entre la Birmanie et le nord de la Thaïlande, peuplent les premiers contreforts de l’Himalaya. Ce sont des montagnards, vivant encore de nos jours de manière très sommaire, de pêche, de chasse, et de culture vivrière, répartis dans de petits villages traditionnels, généralement constitués de quelques habitations faites de bois et de bambous.
L’artisanat Karen : finesse et authenticité
Ce peuple Karen a développé au fil des siècles, un artisanat qui a acquis une notoriété en Thaïlande puis dans le reste du monde, s’imposant pour la qualité, la beauté et la finesse du travail fourni.
Le travail du bijou est culturel, omniprésent, c’est un travail quotidien, une affaire de famille dans laquelle chacun a son rôle. La fonte et le laminage de l’argent –tâches plus ingrates, incombent aux hommes du village, alors que le ciselage et tout le travail de finesse de précision et de finition est réservé aux femmes. Pas de grands ateliers, ni d’atelier tout-court d’ailleurs, le tout se fait à petite échelle, sous les paillottes de la place et varangues de bambous, chacun y laisse s’exprimer sa créativité, toujours canalisée par l’assurance d’un savoir-faire millénaire.
Les gestes sont précis, minutieux, le tout est fait manuellement, de la manière la plus artisanale qui soit, les motifs sont représentatifs de l’art pictural de ces régions d’Asie -mélange de culture Bouddhiste et Animiste, à l’origine hommage aux astres et à la nature, mais qui ne cessent d’évoluer en même temps que se développe l’artisanat, devenant purement figuratifs, parfois sans signification particulière.
Il existe ainsi une griffe Karen, qui fait que ces bijoux sont reconnaissables au premier coup d’œil, parfois imités mais jamais égalés, la couleur de l’argent, la grande précision comme les lignes des dessins, et l’esprit insufflé par une tradition séculaire.
Travail traditionnel de l’argent
L’argent revêt une importance particulière dans la culture Karen, ce métal noble permettant selon les croyances anciennes de conserver l’esprit dans le corps. On lui prête depuis toujours des vertus curatives, ou en tous les cas de protection contre les maladies. C’est donc poussées par ces motivations surnaturelles que ces ethnies du triangles d’or ont développé au fil des siècles une méthode qui leur est propre afin de travailler l’argent
Loin des fonderies modernes, les karens travaillent l’argent selon une technique très empirique, leur permettant d’utiliser très peu d’alliage. C’est ainsi que les bijoux Karens présentent une teneur en argent souvent supérieure à ce que l’on trouve habituellement (pratiquement 99% d’argent pur, alors que les standards actuels de la bijouterie argent se situent aux alentours de 92.5%).
Vertu indirecte de cette méthode, la quasi pureté de l’argent fait que les bijoux issues de ces ethnies provoquent très peu d’allergie, le facteur allergisant des bijoux étant généralement l’alliage utilisé, ici présent en très faible quantité). Dans le même ordre d’idée, loin des polisseuses des ateliers de bijouterie, ils utilisent toujours une méthode naturelle pour faire reluire le métal, l’enveloppant quelques heures dans des feuilles de bergamote… Ecologique, non ?